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Noticias | Por Redacción Espacinsular

Les conditions de détention s’aggravent de jour en jour dans les prisons haïtiennes. Il y a un an, les Nations unies tiraient la sonnette d’alarme dans un rapport intitulé « N ap mouri » [2]. Au cours de l'année écoulée, la situation continue de s’empirer entrainant ainsi plusieurs décès en détention.

Le système carcéral en Haïti est saturé. Le taux d’occupation dans les quatre prisons principales du pays est de 401%, soit quatre fois leur capacité maximale. En conséquence, les détenus ne disposent que de 0,24m2 pour survivre, guère plus que la surface d’une chaise. Ils font aussi face à une pénurie majeure de nourriture et de produits et matériels médicaux. C’est à peine si un repas leur est servi par jour et ceux qui le peuvent doivent compter sur la solidarité de leurs proches pour manger. Dans telles conditions, le nombre de décès au sein des prisons augmente de manière alarmante : Depuis le début de l’année, il y en a eu 97 dont 20 au cours du mois de juin, et la santé de l’ensemble des détenus est à risque. 20 au cours du mois de juin. La malnutrition était un facteur déterminant pour cinq d’entre eux. À titre d'exemple, à la prison de Cap Haïtien, 84 détenus sont en état de malnutrition avancé. Ils sont apparus sur une vidéo choquante diffusée début juillet sur les réseaux sociaux et chacun a pu constater avec horreur les conditions insalubres dans lesquels ils sont maintenus.

De telles conditions de détention sont inacceptables et soulèvent de vives inquiétudes du point de vue des droits humains. En plus du manque criant de nourriture au sein des prisons, l’accès des détenus aux soins médicaux est quasi-inexistant. Il n’y a qu’un médecin pour 1 016 détenus et les livraisons de médicaments sont rares et limitées. Les détenus dépendent entièrement des soins offerts par les organisations caritatives. Dans ces circonstances, les conditions de détention sont en elles-mêmes considérées comme actes des mauvais traitements, voire de la torture.

Le gouvernement haïtien a un besoin urgent de soutien puisque les ressources allouées au système pénitentiaire sont très loin de satisfaire les besoins. Le budget prévu par jour et par détenu est de 106 gourdes, soit moins d’un dollar américain, ce qui ne saurait être suffisant pour entretenir, soigner et nourrir convenablement un être humain. La réalité est encore plus sombre : entre novembre 2021 et mai 2022, seules quatre gourdes ont été dépensées par jour et par détenu.

Face à ce constat, l’Etat haïtien doit adopter des mesures fortes et urgentes pour améliorer les conditions de détention et s’assurer que l’administration pénitentiaire dispose des moyens nécessaires, tant financiers qu’humains et matériels, dans le prochain cycle budgétaire. Il est urgent de renforcer la Direction de l’Administration Pénitentiaire, ainsi que la redevabilité de ses fournisseurs de garantir un approvisionnement suffisant, prévisible et régulier en nourriture, médicaments, eau potable, gaz propane, produits d’hygiènes, literie et produits nettoyants et surtout de réduire le nombre de personnes détenues de façon arbitraire et illégale dans l’intérêt de l’ensemble des personnes relevant du système carcéral.

S’attaquer aux conditions de détention ne résoudra cependant pas le problème à long terme de la surpopulation carcérale, qui est le résultat tragique de la détention préventive prolongée. Plus de 83% des personnes privées de liberté en Haïti n’ont pas encore été jugées et sont détenues de manière prolongée. Ce taux n’a jamais été aussi élevé. Certains sont incarcérés sans jugement depuis plus de trois ans pour un délit mineur tandis que d’autres attendent depuis près de 10 ans. Malheureusement, les projections font état d’un accroissement constant de la population carcérale et anticipent un taux de détention préventive prolongée dépassant 84% d’ici la fin de l’année. Malgré certaines initiatives visant à accélérer la tenue d’audiences correctionnelles en décembre dernier, le système de justice haïtien ne parvient pas à apporter une réponse concrète, à la fois immédiate et dans la durée, aux défis de la détention préventive prolongée. Il est urgent que l’État s’efforce de réformer le système judiciaire ainsi que de donner les moyens de gérer les flux de prisonniers et d’organiser des audiences tenant en compte les personnes ayant commis des infractions mineures, les femmes enceintes, les mineurs et les personnes autrement considérées à risque. Il s’agit aussi d’un besoin profond d’aider à la réintégration des ex-détenus.

L’ONU se tient inlassablement aux côtés des autorités nationales et les appuient dans la mise en œuvre de solutions immédiates pour répondre aux défis de la surpopulation carcérale et ses conséquences, ainsi que d’une stratégie durable de lutte contre la détention préventive prolongée. En parallèle, elle mène les projets de réhabilitation des prisons de Jérémie, Anse-à-Veau et Petit-Goâve, avec l’appui de fonds américains et canadiens, qui permettront d’offrir de meilleures conditions de détention et de mieux tenir compte de la problématique homme-femme dans la gestion des prisons haïtiennes.

Un Etat de droit n’existe que s’il permet à chacun de ses citoyens, y compris ceux qu’il place en détention, de vivre dans la dignité. Il est crucial d’inverser le cours des choses avant que la situation n’empire encore.

 

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[1] Traduction : « On meurt ».

 

2« N ap mouri » : rapport sur les conditions de détention en Haïti, juin 2021. Traduction : « On meurt ».