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Opinión | Par Jenny Janvier/ Historienne

Dans le cadre de la rentrée scolaire 2023-2024, Hypothèses présente une série de conférences abordant des sujets pertinents en lien avec l’art visuel. Ainsi, le mercredi 4 octobre 2023 s’est tenue, au local la Guilde, situé sur la rue Sherbrooke au centre-ville de Montréal, une conférence sur l’art haïtien.  

Sous le thème « Haiti and its diaspora in Montreal : regards transculturels sur les arts visuels haïtiens au XXe siècle », deux historiens de l’art ont invité à tour de rôle le public, composé en grande majorité de Québécois, à voyager dans le temps, soit aux alentours des années 1950. Leur objectif était de mettre en lumière les créations complexes et poignantes de cette période de l’histoire de l’art haïtien. Ils ont livré un contenu artistique pertinent, le tout modéré par l’ancien ministre de la Culture, M. Olsen Jean Julien.

Dans un climat convivial, l’historien de l’art Fritz-Gerald Louis prononce sa conférence avec comme point de départ le Plaisir du tragique, son mémoire de sortie, dans lequel le courant pictural intitulé « Réalisme de cruauté » a pu ressurgir. Monsieur Louis aborde dans un langage limpide les protagonistes du mouvement, dont le fameux peintre Jacques Enguerrand Gourgue, ainsi que sa production. De plus, il fait ressortir les caractéristiques du courant, son impact, et les grands thèmes qui traversent les créations issues de ce courant.

Chercheur associé au Centre international de documentation et d’information haïtienne, caribéenne et afro-canadienne (CIDIHCA) et membre du Centre de recherche - Culture-arts-sociétés (CELAT), Louis rappelle que les peintres du courant mobilisaient tout un dispositif fictionnel pour peindre une situation sociale. Ils empruntaient des formes caricaturales de l’imaginaire haïtien pour créer une atmosphère d’horreur. L’objectif de M. Louis était de présenter une facette du Réalisme de cruauté qui est liée à l’imaginaire haïtien et aux réalités proprement haïtiennes. Selon l’historien de l’art, l’imaginaire haïtien se présente comme une source intarissable d’inspiration et de création pour tout artiste. 

Il a fini son intervention sur une ouverture à la recherche, en appelant à se pencher sur l’exploration du courant artistique. Pour répéter les propos de l’historien de l’art, « étudier le “Réalisme de cruauté”, c’est s’intéresser à ses membres en favorisant une approche biographique. De plus, les œuvres de chaque artiste attendent un catalogue raisonné et même des analyses poussées pour l’ensemble de leurs créations ».

Kessie Theliar-Charles, pour sa part, retrace trois galeries qui ont façonné l’histoire de l’art haïtien à Montréal. Il s’agit de la Galerie Picasso, de la Galerie Diaspo-Art et du Café Thélème. En dépouillant les archives du CIDIHCA, elle a documenté ces lieux qui ont servi de points de repère culturels pour les Haïtiens entre les années 1971 et 1986. Utilisant des méthodes de l’histoire orale dans ses recherches, l’intervenante a gratifié l’assistance de quelques minutes d’enregistrements audio des acteurs du monde culturel haïtien, dont la muséologue Marie-Lucie Vendryes. 

Outre le Centre international de documentation et d’information haïtienne, caribéenne et afro-canadienne (CIDIHCA), Kessie Theliar-Charles est membre du Centre d’histoire orale et de récits numérisés (CHORN). Avec un intérêt particulier pour la communauté haïtienne, elle se concentre sur la récupération, la préservation et la diffusion de l’héritage des artistes visuels afrodescendants qui ont été et continuent d’être actifs à Montréal. Détentrice d’une maîtrise en Histoire de l’art de l’Université Concordia, Kessie Theliar-Charles compte approfondir la documentation avec la présence d’artistes visuels haïtiens à Montréal au niveau doctoral. 

Une riche discussion 

Lors de la séance de questions, l’intervenant Fritz-Gerald Louis a dû répondre à certaines interrogations du modérateur ainsi qu’à celles du public en général. Elles concernaient surtout l’aspect critique du courant « Réalisme de cruauté ». Les discussions ont aussi porté sur les artistes du courant, sur leurs créations et sur la laideur qui était apparente dans celles-ci, mais aucune ne se rapportait à son parcours personnel. L’historienne de l’art Theliar-Charles, pour sa part, en disant l’essentiel, a répondu à plusieurs questions sur la particularité et les limites de la recherche archivistique exhaustive dans des collections publiques telles que celle du CIDIHCA. 

Après l’évènement, dans une ambiance festive, les deux conférenciers, le modérateur ainsi que les participants ont été conviés à un léger cocktail. Ce fut l’occasion idéale pour les historiens de l’art qui ont pu continuer à s’entretenir avec le public, tout en dégustant du vin, du fromage et des raisins. 

Jenny Janvier

Historienne