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Opinión | José Luis Soto

L’idée d’écrire cet article est survenue après avoir vu les tableaux du peintre Cubain Rafael Gonzalez Zarza au cours du mois de septembre 2022 sur la page officielle Instagram du Museo bellas artes de Cuba.

Les histoires racontées à travers les peintures de l’artiste abordent des sujets étonnants. Ces dernières me semblent privilégiées d’une étrangeté à la fois virulente et récurrente. Ceci pourrait bien exprimer une invitation à pénétrer dans l’univers du tragique.

Qu’il provienne de la caraïbe ou d’ailleurs dans le monde, le tragique est une thématique soigneusement représentée. Cet intérêt se perçoit au sein des musées, des galeries et des centres artistiques. Par exemple, les œuvres du peintre haïtien Enguerrand Gourgue et celles du peintre cubain Rafael Zarza, exposées respectivement au Musée du panthéon national haïtien et au Musée des beaux-arts de Cuba, en témoignent. Cela donne peut-être la clé d’une vision caribéenne du tragique.

                

 Enguerrand Gourgue                                                                    Rafael Zarza

 

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Enguerrand Gourgue                                       Rafael Zarza

 

Ces plasticiens démontrent que la question du tragique dans l’art visuel est loin d’être un cas isolé et qu’elle représente, pour la pratique artistique, ou encore pour la recherche scientifique, une thématique inexplorée. Dans Haïti et ses peintres, Philippe Lerebours soulève l’aspect tragique dans les œuvres haïtiennes à partir du courant dénommé « réalisme de cruauté ». En dépit de ce soulèvement, celui-ci est jusqu’alors l’objet de peu de recherches, tout en étant considéré comme une période choquante de l’histoire de la peinture en Haïti. Existe-t-il un dénominateur commun qui relierait la création de ces deux peintres ? Sans prétendre à une dialectique du tragique, l’objectif qui se profile derrière ce texte représente un effort de montrer que l’art de Rafael Zarza s’apparente à celui d’Enguerrand Gourgue.

D’une manière générale, le tragique est l’une des catégories esthétiques qui propose un sentiment d’inconfort, un déplaisir et une composition allégorique des symboles représentant la noirceur de la vie. C’est en tout cas à ce sentiment d’inconfort que se livre Jean-Marie Domenach. Dans son ouvrage, Le retour du tragique, il analyse le concept avec rigueur et en toute modestie. Il le présente comme l’évènement qui, arraché aux déterminismes communs, et souvent aux contredisants, tire sa détermination de l’individu qu’il atteint. Dans la même veine, les philosophes Paul Aron, Denis Saint-Jacques et Alain Viala perçoivent le tragique comme une situation où les contradictions sont apparentes. Ainsi, il me semble que cette catégorie esthétique est liée à un équilibre d’ombre et de lumière, d’abstrait et de concret, d’illusion et de réalité, de souffrance et de joie ; autrement dit, à une introduction au dualisme et au paradoxe.

 

Gourgue et ZarZa

 

D’emblée, Enguerrand Gourgue et Rafael Zarza sont deux artistes issus des Grandes Antilles. De ce fait, leurs imaginaires sont imprégnés des séquelles traumatiques laissées en héritage par la colonisation européenne. L’hypothèse la plus évidente est celle qui indique que cet héritage a influencé, inspiré et animé, de manière concrète, leurs créations. Ces deux artistes semblent habités par la douleur. Ils ont défini leur propre système esthétique en inventant de nouveaux langages plastiques. Ceux-ci s’inscrivent explicitement dans la volonté de représenter des émotions, issues soit de l’imaginaire collectif ou de la réalité de leur pays, à travers le tragique.

 

Chez Zarza tout comme chez Gourgue, l’humour noir occupe une place centrale. L’application de l’ironie à la peinture amène un sentiment étrange qui provoque la stupéfaction et suscite de nombreuses réactions. D’ailleurs, le tragique, à la base, repose sur une esthétisation choquante et excessive.

 

 

La portée tragique

 

Comme l’a formulé Georges Braques, « L’art est fait pour troubler ». Cette citation cristallise parfaitement la vision artistique de Zarza. En effet, le tragique, tel qu’observable dans sa peinture, est une pratique liée, si je ne m’abuse, à des considérations axées sur l’identité, la morale, la spiritualité et l’anthropologie. C’est en effet ce qu’a démontré l’écrivain Ricardo Alberto Pérez, dans « Rafael Zarza : del símbolo a la resistencia » publié au printemps 2021. L’auteur expose non seulement la dimension tragique du peintre, mais aussi sa portée anthropologique. Pour lui, les œuvres de Zarza proposent des analogies surprenantes dans lesquelles la vie et la mort se présentent comme deux versions d’une même chose. Ainsi, il serait bon ton d’admettre que les représentations de Zarza comme celles de Gourgue enclenchent une réflexion sur les conditions de la vie humaine, et ce, dans une perspective méditative et critique.

Une considération est de mise. Les œuvres de Zarza sont à première vue différente de celles de Gourgue sur le plan du traitement de la thématique et de la forme. Par contre, elles sont semblables au niveau du contenu, qui présentent un tressaillement et un caractère insaisissable. Ceux-ci cristallisent, justement, les assises du tragique.

 

 

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Crane avec motif de fleur

 

 

 

À titre illustratif, cette lithographie, ci-dessus, de Zarza intitulée : « Crâne avec motif de fleur sur porcelaine de Limoges », est peinte en 1979. Elle rappelle « La Table magique » de Gourgue qui a été l’objet d’une publication dans Le Nouvelliste sous le titre de « L’occultisme dans la peinture haïtienne » en date du 20 juillet 2021.

L’œuvre invite le regardeur à un univers ambivalent où il est possible d’apercevoir des éléments contradictoires. Cette toile donne également la possibilité d’apercevoir une grande subjectivité où un sens nouveau peut émerger. Ainsi, on y voit au premier plan du tableau un crâne de vache, animal très prisé dans les créations de Zarza, une cafetière à gauche et une tasse remplie de café à droite. Cette représentation fait partie d’une série de toiles que l’artiste appelle « Taurobodegón ».

 

 

 

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Table magique

 

 

En guise de conclusion, je dirais, bien humblement, que ce texte a voulu démontrer les caractéristiques qui réunissent les peintres Enguerrand Gourgue et Rafael Zarza. Ils sont, à mon sens, deux créateurs qui ont réussi à s’imposer dans les milieux culturels caribéens. D’abord en élargissant, chacun à leur façon, les aspects du tragique et ensuite, en contribuant à donner une appréciation de ce courant esthétique.

Il est important de rappeler que les œuvres de Gourgue et de Zarza se prêtent particulièrement aux tressaillements. En outre, elles mettent en évidence des procédés esthétiques qui les conditionnent de la manière suivante :

1- un dispositif immersif sollicitant une attention globale,  

2- une inscription dans une temporalité et un lien fort à la société.

Finalement, le lecteur déduira que les créations de ces deux génies constituent un moyen efficace pour instaurer non seulement une réflexion, mais également, pour soulever intérêt et questionnement chez le regardeur, afin qu’il puisse mieux cerner les enjeux tragiques dans lesquels il est rattaché.

Fritz-Gerald LOUIS

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Bibliographie

 

Aron, Paul., Saint-Jacques, Denis et Viala, Alain. (2002). Le Dictionnaire du littéraire, Paris, PUF,768 p.

Domenach, Jean-Marie. (1967). Le retour du tragique, Paris, Seuil, 304 p.

Lerebours, Philippe. (1989). Haïti et ses peintres de 1804 à1980 : Souffrances et espoirs d’un peuple, Port-au-Prince, Imprimeur II, p.361.

Louis, Fritz-Gerald. (2021). « L’occultisme dans la peinture haïtienne », dans Le Nouvelliste, https://lenouvelliste.com/public/article/230308/loccultisme-dans-la-peinture-haitienne-ou-la-table-magique-denguerrand-gourgue.

Perez, Ricardo Alberto. (2021). Rafael Zarza: del símbolo a la resistencia, https://www.hypermediamagazine.com/arte/artes-visuales/rafael-zarza-critica/

Ricoeur, Paul. (1953). « Sur le Tragique », dans Esprit, nº53, pp.449-467.