La splendidepériodede la peinture haïtienne dans les années 50 a donné des fortunes diverses,des moments de gloire et une forme d'expression nouvelle qui surprenait tout esthète et amant de l’art par son originalité et son caractère d'authenticité.

Ils étaient nombreux à travailler ardemment au rehaussement de cette dite peinture par leur dévouement, leur disponibilité, leur courage et leur technique.Cependant, beaucoup ont malheureusement succombé en cours de route diminuant alors l’élan de cet épanouissement.

Ainsi, on célèbre ce mois-ci le 19e anniversaire de la disparition émouvante du célèbre plasticien Jacques Enguerrand Gourgue. Auteur d’œuvre tragique,  il a su offrir aux passionnés de l’art une émancipation de la surface et une libération de la couleur dans une circonscription donnée.

Il reste dans les mémoires par la sensation cruelle qu’il a procurée et sa  violente touche de  couleur.

Dans le « Traité de la peinture » Leonard de Vinci eut à dire que la peinture est une poésie qui se voit au lieu de se sentir. Suivant cet ordre d’idée, Gourgue a exposé aux yeux de plus d’un une sensation entichée à sa personnalité. Il est connu comme l’un des peintres de la révolution picturale du 20esièclehaïtien avec ses différentsthèmes et sujets traités dans ses œuvres et fléchissantpériodiquement sous divers courant esthétique.

L’une des parties les plus glorieuses de l’époque de Gourgue s’étend vers les années 1960 où son instinct fauve entre en jeu. Avec ses bleus de l’outremer, ses cobalts et ses vermillons, il a réussi à faire exploser la couleur pure au-delà de ce qu’imaginaient ses contemporains et ses nombreux observateurs. En ce sens, le philosophe de l’art Charles Lalo explique qu’en peinture, les couleurs n’ont leur pouvoir et leur éloquence qu’employées à l’état pur.  Ce moment significatif de sa carrière est connu comme une aventure intense de la peinture haïtienne et lui a permis d’acquérir une réputation notable de peintre.

Jacques Enguerrand Gourgue nait à Port-au-Prince  dans une famille modeste en 1930. A l’âge de 16 ans, il ne put résister aux appels des muses, entra au Centre d’Art et quelques mois plus tard l’explosa avec la Table magique. Considéré comme un chef d’œuvre, ce tableau est le point de départ de la grande aventure que mena Gourgue et figure actuellement au Musée d’Art Moderne de New York. Son ardeur pour la peinture tragique lui a permis toutes les audaces, toutes les impudeurs pour désenchanter avec les conventions de la conception idyllique que prônaient ses paires.

L’historien de l’art Michel Philippe Lerebours dans ses écrits qualifie Enguerrand Gourgue comme un agité pictural puisque ses excès captaient et captent toujours l’attention du public et réveillaient de l’étonnement vif chez ses derniers. Avec lui, c’est le saisissement de la logique du regard. La couleur bleue devient pour lui une source en elle-même, surgissant du tableau et noyant le monde sous sa lumière.

Vassily Kandinsky dans « Du spirituel dans l’art et dans la peinture » raconte que, la couleur est le miroir d’un état d’âme. Dans cette même perspective Gourgue a mis en plein la vue, les différents niveaux de son état d’âme en inondant les toiles de pigments forts, en modulant les surfaces, en introduisant les nuances, les dégradés qui leur donnent de l’amplitude.La résonance des couleurs utilisées dans ses toiles est confortée par la souplesse de la ligne.

Tout comme Gauguin et Matisse, Gourgue est un peintre du jour, de la lumière et de la couleur. La libération de la couleur retrouvée dans ses toiles se présente comme le plus petit dénominateur commun du courant fauvisme  et possède nécessairementune finalité philosophique, symbolique et mystique. A titre d’exemple les toiles fauves telles : Vaudou, Fourré, Sirènepour ne citer que ces trois-là disparaissentpresqu’entièrementderrière les masses colorées et apportent tacitement un mystère angoissant dans ses activités artistiques.

Peintre de vérités cruelles tissant la trame dans la quotidienneté du terroir, Jacques Enguerrand Gourgue s'inscrit puissamment dans l'histoire picturale et culturelle de son pays et commémorer sa mort, c’est reconnaitre la production assidue qu’il a acheminé dans la peinture haïtienne.

Fritz-Gerald LOUIS

Historien de l’Art et Archéologue

Maître en Histoire, Mémoire et Patrimoine

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