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Opinión | Melcky ALCENAT/Licencié en patrimoine et tourisme

De nos jours, les citoyens haïtiens commencent à prendre conscience de la nécessité  de non seulement protéger, préserver, sauvegarder, mettre en valeur, mais aussi transmettre leur patrimoine. 

 Introduction 

De nos jours, les citoyens haïtiens commencent à prendre conscience de la nécessité  de non seulement protéger, préserver, sauvegarder, mettre en valeur, mais aussi transmettre leur patrimoine dans toute son intégralité (histoire, culture, environnement, gastronomie, etc.). La fameuse citation d’Antoine de Saint-Exupéry vient d’ailleurs à l’esprit: « Nous n’héritons pas de la terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants». Force est de constater que cette prise de conscience patrimoniale gagne de plus en plus du terrain en Haïti, affectant de manière directe jusqu’aux décideurs politiques, au plus haut sommet de l’État. Il va de soi que, même si le concept de patrimoine n’est pas toujours bien saisi et mal compris en Haïti, souvent d’ailleurs par simple méconnaissance, il impose lentement sa pertinence à la fois sociale et politique. Dans cette veine, nous nous abstiendrons de parler du concept de patrimonialisation qui se révèle beaucoup plus complexe. Partant de ce postulat de conscientisation presque généralisée, l’État haïtien se doit de chercher à se doter de moyens (humains, matériels et financiers) pour procéder à l’identification et à la valorisation de l’ensemble des ressources du pays, afin de bien amorcer son développement touristique et économique.À ce titre, nos monuments historiques représentent un vrai champ à défricher, et une opportunité importante et durable. Il est cependant nécessaire de mettre hors de notre esprit l’idée que les investissements engagés dans la construction des fortifications et bâtiments après l’indépendance de 1804 ont été vains. Nos différents monuments, y compris nos autreséléments historiques et culturels, s’ils sont mieux considérés etmis en valeur, pourraient aider Haïti à redorer son blason de ‘’Perle des Antilles’’. Depuis le séisme du 12 janvier 2010, la culture dans son ensemble, est considérée plus que jamais comme la principale ressource que dispose le pays et qui mérite une attention particulière, une mise en valeur pour le développement économique et social d’Haïti. Aujourd’hui, c’est d’ailleurs sous cet angle que l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO) promeut le patrimoine, au mêmetitre que le tourisme culturel,à travers le monde. 

Que dire du projetde restauration actuellement en cours au palais de la Belle-Rivièreà Petite-Rivière de l’Artibonite ? Nous n’avons pas ici la prétention de décrire en détail ce projet. Cependant, il nous aparu nécessaire de montrer comment l’engouement des haïtiens pour le patrimoine se concrétise dans le pays, notamment à travers le lancement des travaux de restauration de ce monument.Nous essayonsde faire le point sur l’historique des travaux de restauration qui ont été entrepris dans le passé,et évoquer ceux qui se déroulent actuellement. Il s’agit pour nous d’apporter notre réflexion de chercheur, de professionnel en patrimoine et tourisme, et de citoyen en vue de contribuer à la consolidation des fondations de la construction de cette conscience de mise en valeur en faveurce patrimoine à triplecaractère : local, régional et national. 

§  Localisation géographique et résumé historique. 

Le palais de la Belle-Rivière, communément appelé palais aux 365 portes,est localisé dans la commune de Petite-Rivière de l’Artibonite, à quelques mètres du site où se trouve le fort de la Crête-à-Pierrot. Il est voisin du fleuve Artibonite.

Ce palaisfut construit entre les années 1816 et 1820 par le roi Henri Iersurnommésuivant l’histoire« Roi Bâtisseur » en raison de ses nombreuses constructions au cours de sa période de gouvernance de la partie nord d’Haïti, divisée à l’époque après l’assassinat du père de l’indépendance haïtienne, Jean-Jacques Dessalines. Dans un souci de mieux asseoir son royaume sur toute l’étendue de la grande régionNord, notamment dans le département de l’Artibonite, le roiHenri Ieravait commandé la construction du palais de la Belle-Rivière,après la construction du palais de Sans-SouciàMilot. 

Contrairement au palais de Sans-Souci, le second chantier, qui devait normalement aboutir à la construction du palais de la Belle-Rivière qui aurait dû se composer de plusieurs niveaux, a été soudainement suspendu à la mort tragique par suicide du roi Henry Ier en octobre 1820. Il demeure malgré tout un merveilleux monument historique, un véritable chef-d’œuvre de l’art et de l’architecture. Dans la foulée, il faut mentionner que le palais de la Belle-Rivièreest l’œuvre inachevée d’un architecte français nomméLouis Dupeyrac.Ce dernier aurait participé,en France, à la construction du palais du Louvre. 

§  Composante architecturale du palais de la Belle-Rivière. 

L’Institut de sauvegarde du patrimoine national (ISPAN), organisme public placé sous la tutelle du Ministère de la culture (MC)et chargé de la gestion du patrimoine en Haït décrit l’architecture du palais en ces termes: « Le palais de la Belle-Rivière présente un plan rectangulaire de 68 m de long sur 11 m de large. À sa façade ouest est adossée une vaste rotonde large de 12 mètres de diamètre. La façade est, arrière, se singularise en son axe par une avancée surmontée d’un fronton de béton armé, ajouté lors de l’in­tervention de 1932. Les murs du palais sont en maçonnerie de pierres et de briques d’argile liées par un mortier de chaux.»,(Bulletin de l’ISPAN,nº5, 1eroctobre 2009, p.3.).Cela signifie que, en termes d’importance, le palais de la Belle-Rivière occupe la deuxième placesur la liste des neuf palais construits par le monarque Henri Christophe. 

§  De l’historique des travaux de restauration du monument jusqu’à son abandon. 

Les derniers travaux de restaurationet d’achèvement du palais de la Belle-Rivièreremontent au gouvernement de Sténio Vincent qui, en 1932, avait lancé un vaste programme de sauvegarde des monuments historiques recensés sur le territoire national. Depuis ce temps-là, aucune action de restauration n’avait été entreprise pour ce monument par ses successeurs. Tout le monde est à peu près au courant des mauvais usages que ces derniers ont fait du palais de la Belle-Rivière.Ces usages ont mis l’édifice dans un état déplorable de délabrement. Mentionnons en revanche sa classification tardive comme Patrimoine National de la République d’Haïti par un arrêté présidentiel parule 23 août 1995.Il faut cependant souligner qu’aucune opération de restauration n’a suivi cette décision de classification du monument. Or,selon les règles, toute mesure de classification d’un bien culturel ou historique sous le label de Patrimoine National ou Mondial devrait inclure en même temps des droits et des devoirspour les gestionnaires du monument concerné. Il était donc incongru de prendre cette décision sans tenir compte des paramètres de conservation et de gestion du monument. Cette mention est aussi valable pour les autres biens classés par ce même arrêté. C’est dans ce contexte que le palais de la Belle-Rivièreallait se transformer, aux dires de certains, en un véritable carcan, un lieu de non-mémoire ou d’amnésie. Bref, un édifice délabré qui ne cessaitde provoquer la honte chez ses visiteurs!

 §  Genèse des travaux de restauration en cours d’exécution.

Que fallait-il faire pour bannir ce sentiment de honte que les visiteurs éprouvent quand ils visitent le palais de la Belle-Rivière? Cette question s’est toujours trouvée au centre de débats politiques et associatifs houleux,à chaque évocation de la commune de Petite-Rivière de l’Artibonite. Mais la réponse à cette interrogation s’est révélée impossible, malgré les multiples efforts des associations communautaires.En définitive, il a fallu la visite inaugurale du président Michel Joseph Martelly des travaux d’infrastructure réalisés par le contingent équatorien de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), en septembre 2011, pourqu’une lueur d’espoir s’installe dans le cœur des Riveartibonitiens,un peu désespérés jusqu’alors au sujet de la restauration du palais de la Belle-Rivière abandonné depuis plusieurs années.Constatant que le palais était devenu un terrain de football, le président avait promis de revenir pour voir comment il pourrait intervenir.C’est ainsi que la restauration de l’édifice allait débuter,deux ansaprès cette promesse. 

§  Coup d’œil autour du chantier de restauration.

Ce chantier de restauration se déroule sous la direction de l’architecte haïtien Philippe Châtelain. Des tôles ondulées peintes en acier délimitent le site. Depetitesaffiches signalétiques informant dunom du maître d’ouvrage, à savoir l’ISPAN, sont visibles à l’entrée principale du chantier.En se positionnant devant la porte qui donne accès aux travaux, on peut facilement voir l’état d’avancement de la première phase des travaux de la restauration du monument, à savoir la mise hors d’eau. À partir de là, on voit les structures métalliques qui vont soutenir lanouvelle toiture, ainsi que certains travaux de revêtements. Cependant, il est important de mentionner qu’aucune information n’est disponible quant à la durée de l’exécution de ces travaux de restauration, ni mêmeune idée ducoût total du projet. Hormis un gardien désigné par la municipalité pour assurer la sécurité du site et des matériaux, la possibilité de trouver d’autres ouvriers locaux sur le chantier est très réduite.

 

Vue du chantier de restauration du palais de la Belle-Rivière, ©Melcky Alcénat

Conclusion et perspectives

Les travaux de restauration qu’entame l’administration Martelly-Lamothe depuis plusieurs mois au palais de la Belle-Rivièresont indubitablement une illustration vivante de cette conscience patrimoniale qui ne cesse de prendre corps dans la société haïtienne. Sans vouloir être élogieux pour le pouvoir en place, soulignons simplement que cela fait exactement 82 ans depuis que les derniers travaux de restauration ont eu lieu au palais de la Belle-Rivière. Les Riveartibonitiens garderont certainement en mémoire cette réalisation de cette dite administration dans la commune de Petite-Rivière de l’Artibonite.

Ces travaux de restauration et d’aménagement extérieur du palais de la Belle-Rivière, une fois achevés, l’ISPAN devra nécessairement procéder à la phase de mise en valeur de l’édifice. Cette phase est cruciale, car elle demande un ensemble de compétences allant de la gestion de chantier à l’interprétation du monument. En réalité, c’est à ce moment-là que l’usage que l’on va faire du monument sera décidé. Étant à la fois Patrimoine National et lieu de mémoire, il ne pourra pas être l’objet de n’importe quelle utilisation. Ce palais, selon nous,doit être le symbole de la fierté et de l’identitéRivartibonitienne ; il doit faire revivre la vision du roi Henri Ier. Nous espérons que cet édifice setransformeen un véritable lieu de réminiscence de la culture haïtienne, et qu’il favorise aussi la touristificationdu centre-ville de Petite-Rivière de l’Artibonite. Ainsi, notre conscience patrimoniale se perpétuera!

                                                               Melcky ALCENAT

Licencié en patrimoine et tourisme

Étudiant à la maîtrise en histoire, mémoire et patrimoine

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