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Opinión | Fritz-Gérald Louis Collaborateur d’Espacio Insular

Haïti tout comme la France, le Canada, le Mexique pour ne citer que ces trois-là est un pays regorgé de lieu symbolique et de lieu de mémoire. Ces lieux sont, aux yeux de Luc Noppen, représentateur ou constitutif du passé dans le présent. C’est dans ce même ordre d’idées que Paul Ricœur raconte que la mémoire est la meilleure gardienne de la problématique du rapport représentatif du passé au présent.

Parmi les divers lieux de mémoire que possède la partie Ouest de l’ile d’Haïti, celui du Pont-Rouge est porteur d’une charge mémorielle où les objectifs du père fondateur ont été anéantis. Cette mémoire que porte cet endroit est entichée à la fois de déloyauté et de chagrins.

 À cet effet, l’on peut faire du Pont-Rouge une destination de « deuil positif » qui devrait être la préoccupation des gouvernements. Ce projet serait l’un des plus significatifs en matière de tourisme de mémoire et fructueux pour le pays. Il sera aussi une manière de glorifier continuellement Jean Jacques Dessalines qui a payé de sa vie son dévouement à la mère patrie.

Né esclave à Cormiers en 1758 sur la plantation de Duclos (Grande-Rivière-du-Nord) où il était chargé d’organiser le travail des esclaves, Dessalines cultivait en lui ce que bon nombre de gens ignorent aujourd’hui : le bien commun. Il voulait faire la réforme agraire du pays d’où la cause de son assassinat le 17 octobre 1806 au Pont-Rouge.

Dans Histoire de Toussaint Louverture de Pauléus Sanon, il nous peint le portrait d’un Dessalines moins raffiné, moins politique, dépourvu de talent militaire que le précurseur de l’Indépendance. Toutefois, au lendemain de 1804, Dessalines a eu l’idée de faire construire plusieurs forts dans la ville de Marchand dans le but de consolider l’Indépendance. Il autorisait tous les blancs de bonne volonté à rester dans le pays afin de construire cette nation qui venait de naître, il voulait par-dessus tout, une équité pour tous les fils du terroir (Noirs et mulâtres). C’est pour cette dernière cause, ce sentiment d’humaniste qu’il laissa promptement le pays.

Tragiquement mutilés au Pont-Rouge par des amoureux de l’égoïsme où leurs intérêts personnels étaient en jeu, les restes du 1er empereur d’Haïti sont ramassés par Dedée Bazile connue sous le sobriquet de Défilé la folle et transportés au cimetière de Sainte-Anne.

 Se positionnant à l’entrée nord de la ville de Port-au-Prince, à proximité du carrefour de l’aviation, ce site consiste  aux yeux de plus  d’un, un symbole témoignant un devoir de mémoire dont plusieurs acteurs se servent pour nourrir diverses  crises au pays. Il est, à cet effet, un lieu identificatoire d’Haïti et comme expression le refus de la politique de justice sociale axée sur le partage visant la distribution équitable des biens de la jeune nation. C’est dans cette veine que  Dessalines a été victime d’actes de traitrise d’une catégorie sociale ayant occasionné sa mort  et aussi de la mémoire dissoute du commun qu’il voulait nous transmettre.

 À l’occasion de la 210e année de la mort de Dessalines, commémorer son décès est non seulement un signe de respect envers ses idéaux et ses actions mais aussi un témoignage de reconnaissance d’avoir été l’un des chefs de file qui a conduit le pays vers sa liberté.

Déposer une gerbe de fleurs, prendre une minute de recueillement ce 17 octobre en ce lieu, ou encore le visiter régulièrement par la suite participe à la construction de la mémoire en symbole, car il fait parler ce qui est muet, il donne sens et vie à ce qui, en soi, n'a ni sens ni vie.

 Pierre Nora dans le premier tome de son ouvrage Les lieux de mémoire raconte qu’un  lieu de mémoire constitue une lentille de réfraction. En ce sens, le Pont-Rouge oriente toujours le souvenir des passants avisés vers l’idéal Dessalinien. Ce lieu peut être considéré comme un reflet de l'identité du Dessalinisme comme le répète souvent l’historien Pierre Buteau.

 Fraichement rénové, le Pont-Rouge possède désormais un espace de 800 mètres carrés et abrite deux monuments dédiés à la mémoire du père fondateur. L'édification de ce nouveau monument sur le site retient le regard en faisant surgir de nouvelles significations.

Le paysage du Pont-Rouge devrait être un facteur clef dans la construction de l’identité en honorant la mémoire du père fondateur et en inculquant un sentiment d’attachement aux fils du terroir et de grandeur aux yeux de l’étranger.

Fritz-Gerald LOUIS

Historien de l’Art et Archéologue

Maitre en Histoire, Mémoire et Patrimoine

 

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