Pour le philosophe Emmanuel Kant, la beauté représente tout « ce qui plait universellement sans concept » tandis que pour l’esthéticien David Hume, elle est « une affaire de goût ». Ces deux théories peuvent être appliquées dans une dynamique d’urbanisation et dans une perspective d’agencement et d’aménagement de toute ville qui retiendra ainsi l’attention de tout regardeur.
À cet effet, l’un des moyens pour arrêter les regards c’est la propreté. Si bien que l’historien haïtien Georges Corvington dans Port-au-Prince au cours des ans, tome 3 raconte que : « la propreté est la première chose qui saute aux yeux ». Dans cet ordre d’idées, la propreté est une affaire de beauté. Elle se traite comme un projet global, primordial et vital pour garantir le bien-être d’une population et promouvoir l’image positive d’un pays.
À l’époque actuelle, la région métropolitaine de Port-au-Prince est contraire à l’idée de Corvington. La capitale de la première république noire au monde est dans un état lamentable. Et ce, sous les regards laxistes des autorités étatiques. Le constat est triste, mais révélateur d’une mauvaise gestion notoire des affaires de proximité, car partout où l’on passe, les ordures et les détritus sont jetés à même le sol. La première ville d’Haïti coule et croule sous la saleté et ressemble désormais à une poubelle à ciel ouvert.
Dans cette commune, il n’y a pas un sentiment d’engagement, la conscience civique pour la protection de l’environnement est presque inexistante. Les individus ne font que salir et détruire leur environnement comme un cafard. Ils utilisent l’espace public comme un passage de transit et non comme un bien commun. La rue n’est plus leur chez soi, ce qui ne leur appartient pas n’a aucune chance de rester propre. C’est ainsi que la saleté envahit les espaces publics.
Il est à signaler que tout comme la beauté, la laideur surprend. Elle choque, elle enivre, elle fait rêver. Suivant cette logique, la saleté des rues de Port-au-Prince représente pratiquement de nos jours la première chose qui saute aux yeux de quelqu’un qui revienne et qui regarde.
Nombreux sont les encombrants qui logent sur les différents trottoirs, les déjections des chiens errants qui se remarquent partout et ailleurs. L’environnement urbain de Port-au-Prince est dégradant puisque la majorité des rues n’échappe pas au triste spectacle des amas d’ordures ménagères entassées sauvagement, plusieurs jours durant.
Les emplacements des conteneurs sont hasardeux et ne suivent aucun schéma rationnel. L’on trouve des poubelles dans tous les sens et les déchets sont déversés à côté offrant un portrait sordide et désolant. Ces conteneurs métalliques placés par la municipalité sont ouverts en pleine canicule jour et nuit et dégagent un relent nauséabond où mêlent mouches, moustiques, rats, souris et chiens qui prennent les yeux, la gorge et les narines.
Certains attribuent à tort ou à raison, la responsabilité aux agents de collectes des déchets qui n’accomplissent pas leur mission qui consiste à assurer la propreté de la ville. Toutefois, le premier responsable est l’haïtien lui-même qui se comporte comme un non-civilisé en n’ayant aucun respect pour l’espace public. Or, la propreté est le symbole de la civilisation expriment d’autres.
Entretenir Port-au-Prince est essentiel pour maintenir un cadre de vie agréable pour les habitants et cela rendra la ville plus accueillante pour les visiteurs. Pour ce faire, les ambassadeurs de Dieu, les professeurs, les instituteurs, les leaders devraient opérer une somatisation des rapports de domination sur la population haïtienne qui débouchera sur une nouvelle forme de socialisation afin de respecter l’environnement dans lequel ils évoluent. À côté de cela, la création d’un corps de police municipale est de mise pour sanctionner les individus de mauvaise foi qui portent atteinte à l’environnement.
Le respect du milieu ambiant et de l’hygiène est intimement lié à la conscience civique du citoyen éclairé. C’est un comportement attentif et discipliné qui ne tombe pas du ciel, il doit s'apprendre dès l’enfance, à l'école, à l’église et au sein de la famille.
Fritz-Gerald LOUIS
Historien de l’Art et Archéologue
Maître en Histoire, Mémoire et Patrimoine
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