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Opinión | Fritz-Gérald Louis Collaborateur d’Espacio Insular

Il est écrit dans « Du bon usage des commémorations » que faire mémoire, c’est s’enraciner dans le passé, c’est inviter à se souvenir, c’est aussi garder ouverte les blessures de l’histoire. Bref faire mémoire, c’est également commémorer.

Ainsi,ce 23 févrierramène les deux cent treizièmesanniversaires de la bataille de la Ravine-a-Couleuvres, la première pour la conquête de l’Indépendance d’Haïti. Cette bataille mettait en scène l’arméeIndigènecommandée par le stratège Toussaint Louverture face aux troupes sanguinaires de Donatien Rochambeau.

Déroulée dans le Département de l’Artibonite, précisément dans la municipalité de l’Estère sur l’habitation Lacroix Périsse en date du 23 février 1802, la Ravine-à-Couleuvresa été le théâtre de cet évènement qui a marqué et continue à marquer la mémoire haïtienne. Elle devient à ce titreun lieu de mémoire et en tant que ce lieu, elle soulève beaucoup d’attachement au sein de la population estérienne, soit pour conter son importance dans l’histoire d’Haïti soit pour exalter les diverses pratiques réalisé sur le site.

Dérivée du latin commemoratioqui signifie mémoire, la commémorationmarque le souvenir d’une personne, d’un évènement passé. Il s’agit véritablement de rendre hommage, de mentionner et de rappeler la mémoire de personnes disparues, selon un rite particulier. Elle est une modalité privilégiée de la mise en place du souvenir, de la mise en mémoire des actions posées par les acteurs de la société étatique et civile. En ce sens, commémorer la Ravine-à-Couleuvres est, selon Joël Candau, un dispositif qui permet l’organisation des mémoires et la construction identitaire par le repérage dans le temps.

Nombreux sont les soldats glorieux qui ont perdu leurs vies lors de la bataille de la Ravine-à-Couleuvres pour faire de Saint-Domingue une Haïti libre et prospère. Nombreux sont les lieux qui ont été des témoins oculaires des luttes pour la liberté qui méritent d’être célébrés.C’est dans cet ordre d’idéesqu’il importe de commémorer la Ravine-à-Couleuvres dans la société haïtienne qui est la première bataille pour la lutte de la liberté. Dans cette intention, elle assurera une transmission qui, en définitive, s’accomplit après une nécessaire reconfiguration et dont l’invention et la réinvention de traditionsest une modalité majeure.

L’on aime répéter que l’Haïtien a la mémoire courte ainsi le rôle de la commémoration a pour fonction première de s’engager dans la lutte contre l’oubli, car le souvenir quoi que l’on fasse envahit, poursuit, trouble, ravit à tous bons citoyens conséquents. Dans cette même veine, la matérialisation de la Ravine-à-Couleuvres a contribué au non effacement définitif du lieu et permet de mettre à jour la portée symbolique qui leur était reconnue au momentdepuis l’érection du tout premier monument à la mémoire des vaillants soldats, en 1933, jusqu’à nos jours.

Force est de constater qu’actuellement, en Haïti, le sentiment patrimonial se fond avec celui du sentiment national. Il suffit de voir les attachements que les Estériens portent à leurs monuments dans leur communauté pour comprendre ce sentiment d’appartenance.Pour eux, ils symbolisent la fierté et représentent une affirmation identitaire. La commémoration de ce lieu joue un rôle appréciable dans la transmission de l’histoire, en maintenant en éveil un très vif intérêt pour le passé au sein de la population estérienne, voire la nation haïtienne. Elle a donc une forte portée symbolique qui confère aux habitants de la municipalité une identité particulière.

Concluons que la commémoration de la Ravine-à-Couleuvres a pour objectif principal d’affirmer la participation de l’individu à la vie de sa communauté et opère un lien organique entre le présent et le passé qui traduirait au-delà de sa conservation une signification dont le passé est porteur d’une source de justice et d’humanité et que l’on doit assurer. Par cette signification, le passé est réactualisé et par cette réactualisation les estériens sont identifiés comme porteur d’un héritage qu’ils doivent assumer, intégrer à leur existence et qu’ils doivent également transmettre à nos descendants.