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Reportajes | Fuente Externa

En Haïti, le second tour de l’élection présidentielle aura lieu ce dimanche 24 janvier. En lice : Jovenel Moïse, candidat soutenu par le chef de l'Etat sortant Michel Martelly, et Jude Célestin, candidat de l’opposition. Mais dans une interview accordé à RFI, ce dernier annonce ce mardi 19 janvier qu’il ne participera pas au second tour dans les conditions actuelles. Lundi, des centaines de manifestants venus des quartiers pauvres de Port-au-Prince ont eux aussi dénoncé, parfois violemment, cette élection, demandant sa suspension.

 

Propos recueillis par notre correspondante à Port-au-Prince

RFI : Nous sommes à quelques jours du second tour du scrutin présidentiel. Vous n’avez pas fait campagne. Cela veut-il dire que vous n’allez pas participer à cette élection du 24 janvier ?

Jude Célestin : Pour nous, il n’y a pas d’élection le 24 janvier. Je n’irai pas à cette farce. Ce ne sera pas une élection, ce sera une sélection, parce qu’il y aura un seul candidat. Moi personnellement j’avais demandé qu’il y ait une commission d’évaluation pour les élections qui ont eu lieu le 25 octobre. La population a réclamé à cor et à cris dans des manifestations de rue que l’on crée une commission d’évaluation. Finalement ils ont créé une commission le 27 décembre qui a sorti un rapport le 4 janvier.

Trois jours plus tard, sans qu’on ait commencé l’implémentation de ces recommandations, ils ont donné une date qui était le 24 janvier. Donc c’est une date que moi je ne reconnais pas, que mon parti politique ne reconnaît pas, que le peuple haïtien ne reconnaît pas. Nous n’aurons pas de mandataires dans les bureaux, et tout procès-verbal n’ayant pas la signature des deux mandataires, des deux partis politiques en lice, n’est pas valable, est déclaré nul et non valide. Donc, les élections du 24, la « sélection » du 24, sont une farce et Jude Célestin n’ira pas à ces élections.

Avez-vous fait part de cette décision au Conseil électoral provisoire officiellement ?

Le Conseil est mené par un décret électoral qui a été voté au niveau du Parlement, et ce décret est clair : il dit qu'entre l’intervalle du premier et du second tour, si un candidat veut abandonner la course, il peut choisir de ne pas y aller. Mais il faut qu’il avise le CEP dans cet intervalle. Là, j’ai encore le temps avant les élections de faire un retrait si je dois le faire.

Il y a, dans le pays, des missions d’observation internationales. Etes-vous en contact avec ces gens-là, est-ce qu’il y a des négociations ? Certains diplomates pourraient-ils vous inciter à participer malgré tout ?

Je n’ai rencontré aucune mission d’observation. Par contre, les missions diplomatiques nous ont demandé d’aller aux élections. Ils ont insisté pour qu’on participe aux élections. Nous avons l’impression qu’ils ne maîtrisent pas vraiment le problème, la problématique haïtienne. Et c’est ça qui justement cause cette crise, c’est la non maîtrise de la situation politique haïtienne. Donc nous, peuple haïtien, moi Jude Célestin, je me mets du côté de la population pour dire que ces élections qui auront lieu le 24, ce sont des élections pour une certaine partie de la communauté internationale, ce sont des élections pour le gouvernement, pour garantir une succession dans la dictature.

Amélie Baron : Pourquoi pensez-vous qu’il y a cette ingérence de la communauté internationale que vous dénoncez ?

C’est toujours pareil, ce n’est pas nouveau. On n’a pas cette coopération, on a beaucoup plus d’ingérence où les gens se mêlent, mais les gens ils n’ont rien à faire de ce que pense la population elle-même. C’est comme si on décidait, et puis on fait avaler ça aux Haïtiens, et puis c’est bon, c’est fini. Mais là, nous avons dit non. Moi, j’ai dit non, je ne veux pas, je n’accepte pas d’aller aux élections le 24 janvier dans ces conditions. Il y a des recommandations qui ont été faites : une fois que les recommandations auront été implémentées dans la réalité, avec des changements au niveau de ce CEP-là, avec des changements au niveau de ce pouvoir-là, là je participerai la tête altière à des élections.

Que va-t-il se passer alors le 7 février, date à laquelle le pouvoir présidentiel doit être remis au successeur de Michel Martelly ?

Le 7 février devra être une solution consensuelle. L’Eglise catholique comme autorité morale, comme institution, avait initié un dialogue auquel je participe, auquel mon équipe participe, auquel certains partis du secteur démocratique, certains groupes participent. Et là, ils vont l’élargir aux acteurs impliqués dans la crise pour pouvoir trouver une solution, mais qui passe certainement par l’annulation de cette date irritante qu’est le 24 janvier.

Le 24 janvier peut causer beaucoup de dégâts pour le pays. Aujourd’hui (lundi 18 janvier, ndlr), il y a eu des manifestations qui se sont faites un peu plus violentes. Et on espère que le gouvernement se presse d’annuler cette date, parce que ça ne va pas très bien pour le pays. Nous avons des problèmes économiques : le gouvernement a pris un dollar à 40 gourdes ; aujourd’hui il est à 59, presque 60 gourdes. Le gouvernement nous a pris avec un taux d’inflation de 4,7% ; maintenant il nous a mis à 11,7 %. Cela signifie que nous sommes au bord de la faillite.

Ce n’est pas normal, on ne veut plus de ça, le gouvernement gaspille de l’argent pour faire la promotion de son candidat. Nous disons non à tout ceci. Nous disons qu’il faut qu’on aille vers des élections pour que le peuple lui-même choisisse, comme toute démocratie, qu’elle soit occidentale, qu’elle soit caribéenne. Le mot lui-même veut dire quelque chose : c’est le pouvoir du peuple, pas du peuple étranger, du peuple autochtone, indigène, qui vit dans le pays. C’est ce que nous voulons, une démocratie à nous. Nous faisons comme toute démocratie : que le peuple vote, que le résultat du vote soit respecté, que l’on respecte la sincérité du scrutin.

Est-ce que vous demandez aujourd’hui, comme le font beaucoup de manifestants, le départ du pouvoir de Michel Martelly et la mise en place d’un gouvernement de transition ?

Dans toute démocratie, théoriquement, c’est un président élu qui remplace un président élu. Etant des démocrates, en tant que démocrate, le personnel politique d’un pays se renouvelle à partir des élections.

Donc, il se pourrait que Michel Martelly reste au pouvoir après le 7 février, à vous entendre…

Le 7 février est la date constitutionnelle pour que Monsieur Martelly parte. Il faut trouver une solution consensuelle pour qu’on puisse avancer vers des temps plus calmes.

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