GENÈVE (28 septembre 2023) – Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Volker Türk, a lancé aujourd'hui un appel en faveur d'une mission multinationale de soutien à la sécurité pour aider la Police nationale haïtienne (PNH) à lutter contre le cycle de violence qui s’est infiltré à tous les niveaux de la société et a exacerbé une grave crise en matière de sécurité et de droits de l'homme.
« Chaque jour, la vie des Haïtiens devient de plus en plus difficile, mais il est essentiel que nous ne baissions pas les bras. Leur situation n'est pas désespérée. Avec le soutien et la détermination de la communauté internationale, le peuple haïtien peut faire face à cette grave insécurité et trouver un moyen de sortir du chaos », a déclaré M. Türk.
Le dernier rapport du Haut-Commissaire sur la situation des droits de l'homme en Haïti souligne que le déploiement d'une mission multinationale de soutien à la sécurité est essentiel pour aider la PNH à lutter contre le crime organisé, les gangs armés et le trafic international d'armes, de drogues et d'êtres humains.
Le rapport détaille les conclusions de l'Expert désigné par le Haut-Commissaire sur la situation des droits de l'homme en Haïti, William O'Neill, qui s'est rendu dans le pays en juin 2023. L’Expert a constaté la gravité de la situation sur le terrain et l'importance de stabiliser la sécurité en priorité.
Le rapport souligne que toute mission multinationale de soutien à la sécurité doit respecter et adhérer aux droits et normes internationales en matière de droits de l'homme, et inclure des mécanismes de contrôle interne pour rendre compte de sa performance, mais aussi prévenir et répondre, à l'exploitation et aux abus sexuels.
Entre le 1er janvier et le 15 août 2023, au moins 2 439 personnes ont été tuées, 902 blessées et 951 enlevées, indique le rapport. L'escalade alarmante de la violence enregistrée depuis le début de l'année 2023 touche désormais toutes les communes de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, y compris certaines considérées comme sûres jusqu'à récemment.
Les gangs font preuve d'une brutalité croissante, mutilant et brûlant des corps publiquement et partageant ensuite les images effroyables sur les médias sociaux.
Les femmes et les jeunes filles sont particulièrement exposées à la violence des gangs, y compris à la violence sexuelle, tels que les viols collectifs. Les gangs continuent de recruter des enfants et de les utiliser comme informateurs ou messagers, ainsi que de les impliquer dans des enlèvements et des vols.
L'insécurité a exacerbé la crise humanitaire qui a atteint de nouveaux sommets ces dernières années, selon le rapport. Le nombre de personnes ayant besoin d'une aide humanitaire a presque doublé au cours des trois dernières années. Les attaques contre les écoles par des membres de gangs ont été multipliées par neuf au cours de l'année écoulée, et de nombreux professionnels de la santé ont quitté le pays.
Une fois la situation sécuritaire stabilisée, il faudra investir dans le développement d'opportunités socio-économiques pour permettre au peuple haïtien d'accéder à de meilleures conditions de vie et assurer une stabilité et une prospérité durables dans le pays, indique le rapport.
Le renforcement des institutions de l'État est une autre priorité. En Haïti, l'impunité et des décennies de mauvaise gouvernance et de corruption ont contribué à la crise actuelle. « Le cycle de la violence ne s'arrête jamais car il est rare que l'on demande des comptes à qui que ce soit », indique le rapport.
« Il [l'État] doit demander des comptes à la fois aux responsables des crimes et à ses propres fonctionnaires de la police, des tribunaux et du système pénitentiaire, afin d'assurer la sécurité de la population et de lui rendre justice. »
Le Haut-Commissaire exhorte les autorités à exercer un contrôle strict des dépenses publiques pour prévenir la corruption et à soutenir tous les efforts déployés par le système judiciaire pour enquêter et poursuivre les personnes soupçonnées de corruption.
La situation des détenus haïtiens illustre l'érosion continue de l'État de droit. Le rapport indique que les prisons haïtiennes sont inhumaines. À la fin du mois de juin 2023, les prisons haïtiennes comptaient 11 810 détenus, soit plus de trois fois leur capacité maximale. Près de 85 % des détenus étaient des personnes en détention provisoire.
Lors de sa visite au Pénitencier national de Port-au-Prince et à la Prison centrale de Cap-Haïtien, l'Expert désigné a observé des détenus entassés dans de petites cellules, vivant dans une chaleur étouffante, avec un accès limité à l'eau et aux toilettes. « Ils doivent supporter une odeur suffocante et, dans la capitale, des monticules d'ordures, y compris des excréments humains, ajoutent à la misère. Les détenus doivent dormir à tour de rôle car il n'y a pas assez de place pour qu'ils puissent s'allonger en même temps », peut-on lire dans le rapport.
« Des vies sont en jeu », a déclaré M. Türk. « Le temps est compté - nous devons comprendre le sens de l'urgence que cette crise exige ».